Article rédigé par Christophe Lachnitt – Fondateur et CEO de Croisens | Fondateur et éditeur de Superception, un de nos nombreux Talents Juste, qui partage avec nous ses idées et son expertise !

Article original publié sur le Blog « Superception« 


Deux phénomènes de nature différente incitent aujourd’hui les entreprises à se focaliser sur le court terme.

Le premier, structurel, est la révolution numérique qui raccourcit tous leurs cycles : développement produit, gestion de la chaîne logistique, mise sur le marché, expansion commerciale… Les ruptures technologiques, l’apparition d’usages novateurs, la disparition de marchés soudainement caducs, l’émergence de nouveaux concurrents et la création de modèles d’affaires révolutionnaires interviennent à un rythme sans précédent.

Le second, que l’on espère conjoncturel, a trait à la crise suscitée par la pandémie du Covid-19. Celle-ci menace la survie de beaucoup d’entreprises et impose des tensions terriblement complexes à presque toutes les autres, remettant souvent en cause leurs approches stratégique, financière, opérationnelle et managériale.

Dans ce contexte extraordinairement difficile, un grand nombre de dirigeants d’entreprise se concentrent logiquement sur des lendemains qui promettent de déchanter, au risque d’oublier d’enchanter leurs parties prenantes sur leur projet d’avenir.

Cette hémiplégie chronologique est d’autant plus préjudiciable que l’attribution d’un sens durable à la communauté humaine que constitue toute entreprise est encore plus important lorsque le devenir de celle-ci est aléatoire que lorsqu’il est assuré. Les êtres humains ne supportent rien moins que l’incertitude.

Le virus Covid-19 – (CC) CDC

Les résultats du baromètre mondial de la confiance dédié il y a quelques jours1 par l’agence Edelman à la situation de crise créée par le Covid-19 et les mouvements sociétaux actuels confirment cette réalité : les attentes à l’égard de l’attitude des entreprises, et pas seulement des produits et prestations qu’elles fournissent, sont remarquables.

Ainsi 44% des personnes interrogées signalent-elles avoir commencé à utiliser de nouvelles marques en raison de leur réponse novatrice ou compatissante à la pandémie et l’importance accordée par les marques aux êtres humains plutôt qu’aux profits gagne-t-elle 26 points de pourcentage dans le poids des critères d’achat des consommateurs.

Trois données extraites de l’enquête d’Edelman synthétisent l’évolution en cours :

  • 89% des hommes et femmes sondés à travers le monde escomptent que les entreprises résolvent des problèmes sociétaux alors que “seulement” 83% veulent qu’elles solutionnent les problèmes individuels qui sont pourtant au coeur de l’action de leurs produits et services ;
  • le critère de confiance à l’égard des marques a gagné 28 points, depuis le début de l’année, dans l’inclination des consommateurs à commercer avec elles.

Le sens conféré par les entreprises à leur activité n’est donc pas seulement un impératif humain dans les temps qui courent : il contribue aussi à leur compétitivité. Mais, pour être sincère, il doit être pensé dans une vocation humaine et non mercantile. La beauté de ce phénomène réside dans le fait que c’est précisément cette authenticité, parce qu’elle est gage d’une motivation accrue des collaborateurs concernés, qui produira la plus grande performance économique.

Or la résilience inextinguible dont les entreprises font preuve durant cette crise sera nécessaire bien après la mise sous contrôle du Covid-19. En effet, 85% des emplois de 2030 n’ont pas encore été inventés. Les tourments de l’année 2020 ne représentent donc qu’un avant-goût des remous auxquels la décennie qui s’ouvre va confronter les acteurs corporate.

Pour les maîtriser avec succès, les leaders et managers vont devoir accorder une importance toujours croissante au sens qu’ils partagent avec leurs équipes à travers la raison d’être, la stratégie et les valeurs de leur entreprise. A cet égard, une enquête récemment menée par McKinsey montre que 82% des salariés soulignent l’importance de la raison d’être mais seulement 42% estiment que celle mise en avant par leur entreprise a un réel effet sur son activité. De même, la contribution de leur employeur à la Société et la création d’un travail porteur de sens, les deux priorités exprimées par les salariés dans ce même sondage, ne constituent-elles une ambition que dans 21% et 11% respectivement des raisons d’être publiées par les entreprises.

Il est donc essentiel, autant pour leur prospérité financière que pour le bien-être de leurs collaborateurs, que les organisations pensent en permanence le temps court dans l’optique du temps long et leur valorisation financière dans celle de leurs valeurs humaines.

Démocrite écrivit fameusement que le caractère d’un homme fait son destin. Celui d’une entreprise aussi.

Christophe Lachnitt
Article original

1 24 octobre-2 novembre 2020.