Mieux comprendre les fonds activistes et décoder leurs stratégies de communication, avec Jérôme Biscay, partner de Brunswick Paris.

Jérôme Biscay est un observateur avisé et un acteur de la communication et de la gouvernance des entreprises. Depuis huit ans, il observe la communication des fonds activistes, et possède un regard acéré sur leurs méthodes et le rôle qu’ils assignent à la communication. Il a justement accepté de partager cette expertise et les enseignements à en tirer avec les talents de JUSTE, cabinet de management de transition spécialisé dans les métiers de la communication, du marketing et de la RSE.

La vie de Jérôme Biscay, partner depuis 15 ans chez Brunswick, a été rythmée ces dernières années par l’émergence des fonds activistes. Il constate aujourd’hui que cet activisme actionnarial est un mouvement inéluctable, universel et qu’aucune entreprise n’est à l’abri de ces fonds. Né aux États-Unis il y a plusieurs décennies, ce phénomène touche aujourd’hui l’Europe, où les opportunités se sont révélées, et commence à s’étendre enAsie et notamment au Japon.

De quoi parle-t-on quand on évoque un fonds activiste ? « C’est un actionnaire qui manifeste des positions fortes dans le cadre du dialogue actionnarial pour indiquer qu’il est en désaccord avec la stratégie, la performance ou la gouvernance de l’entreprise. » Ces profils sont très professionnels, mais il est intéressant de noter que de plus en plus d’investisseurs institutionnels adoptent aussi des comportements activistes, de façon occasionnelle ou non.  Ils critiquent la performance des activités, les KPI financiers, l’ESG, le périmètre ou la capacité d’exécution, reproche le plus fréquemment adressé aux entreprises ciblées par les campagnes activistes en 2020.

Être vigilant aux signes avant-coureurs d’une attaque activiste

« Certains fonds activistes, met en avant Jérôme Biscay, cherchent aussi à savoir si les dirigeants et les dirigeantes sont à même d’exécuter la stratégie proposée. Cette recherche d’exemplarité a conduit à beaucoup de remises en question de conseils d’administration ou de direction dans la période récente de crise, et s’est soldée par des départs. » La montée au capital d’un actionnaire minoritaire peut sonner comme une prise de conscience pour certains dirigeants qui auraient tendance à se contenter d’une gestion en pilotage automatique. Si un fonds activiste rédige un rapport détaillant les décisions manquantes ou erronées et le partage avec d’autres actionnaires, il est important que celui-ci puisse être partagé sans délais avec l’entreprise.

Avant d’en arriver là, plusieurs signes sont susceptibles d’alerter les dirigeants d’une entreprise. « En privé, ce sont d’abord des interactions, des demandes d’entretiens, des courriers. Dans l’action publique, il faut surveiller les franchissements de seuil, les montées au capital, qui doivent conduire à mettre en oeuvre un dispositif de vigilance, via le monitoring des réseaux sociaux et de la presse. » Ce premier degré d’interaction confidentielle avec l’entreprise doit allumer un maximum de clignotants. Il ouvre un temps court – dont il faut profiter pour mettre en place une contre-offensive – avant les prises de position publiques et le lancement de campagnes de communication et d’opinion parfois très agressives.

Les directions de la communication en première ligne dans la riposte

Comment anticiper la rupture de l’équilibre fragile qui permet encore aux dirigeant de maîtriser ses décisions et sa stratégie ? « Le fonds activiste prépare son approche très tôt. Il peut passer des mois à disséquer et analyser les résultats et les activités de l’entreprise avant de se déclarer. L’activiste cherche à rallier les journalistes et les actionnaires à lui. Il a un temps d’avance que l’entreprise n’a pas » reconnaît Jérôme Biscay, qui conseille aux dirigeants d’informer leur direction de la communication dès les premiers signaux d’approche d’un fonds activiste. Les professionnels de la communication sont en première ligne et maîtrisent les techniques essentielles à la riposte. « Non seulement ils sont en mesure de répondre aux attaques, mais ils sont surtout capables de capter les signaux faibles de celles-ci, à travers les relations construites sur la durée avec les journalistes. »

La communication peut jouer un rôle capital, en mettant en place une veille, en activant ses réseaux et en valorisant l’image d’une équipe dirigeante aux commandes. « L’équipe de communication aide à affûter et faire valoir les arguments de l’entreprise. Dès la première indication d’une offensive activiste, il est important de monter au créneau et d’être au plus près des journalistes, très en pointe sur ces sujets » recommande Jérôme Biscay. Attention aussi à tenir compte du décalage horaire, car une campagne lancée au milieu de la nuit à New-York peut par exemple cueillir fraîchement au petit matin une équipe dirigeante déboussolée. « Après plus de 20 ans d’expérience, l’activiste utilise tous les canaux et les médiaux sociaux pour pousser ses feux » alerte Jérôme Biscay. Alors que d’autres campagnes s’appuient sur les codes de l’entreprise ciblée pour les détourner, la plupart des activistes révèlent beaucoup de talent, d’habileté et de réflexion pour parvenir à leurs objectifs. Un seul mot d’ordre alors, faire preuve d’encore plus de créativité qu’eux !

Delphine Goater

Pour JUSTE, Maison de Talents