DÉCRYPTAGE – Après la crise, les employeurs engagent des programmes de «décompression» pour resserrer les liens au sein des équipes – Anne Bodescot / Le Figaro
Au bureau, la crise a laissé des traces. «Les salariés sont fatigués, ils ont pris en dix-huit mois un rythme un peu différent. Ils ont parfois du mal à revenir à une autre organisation du travail, ils ne supportent plus les réunions inutiles, l’instabilité des décisions, l’excès de contrôle des managers», constate Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH. Certains pensent à changer de vie, d’autres simplement… d’employeur. Les DRH voient le danger. «Quand les salariés se désengagent, la performance s’en ressent», résume Benoît Cornu, du cabinet de conseil Juste. De nombreuses entreprises mettent donc en place des actions pour remotiver les troupes et renforcer leur attachement.
«Osons la confiance»
Cela implique une évolution du management de proximité. Il faut «faire confiance, laisser de l’autonomie, des responsabilités aux collaborateurs», observe Lætitia Villedieu, responsable de la communication sociale et de l’animation RH d’EDF. Chez l’électricien, au sein des équipes pilotes qui ont testé la démarche «Osons la confiance», le niveau d’engagement (évalué par des sondages anonymes) a progressé et l’absentéisme a diminué, le tout avec une performance identique, voire accrue. Une étude interne a même pointé une progression de l’engagement de 5 points chez les collaborateurs qui estimaient avoir eu plus d’autonomie. Un accord d’entreprise en cours de négociation (TAMA pour Travailler autrement, manager autrement) vise à développer ces pratiques.
Convivialité et la qualité de vie
«70 % de l’engagement d’un salarié dépend de son manager», renchérit Delphine Douetteau, responsable EMEA «inclusion, talent & community» d’ADP (2 100 personnes). L’entreprise de logiciels RH entend inciter l’encadrement à très bien connaître les collaborateurs pour assurer une forme de bien-être au travail. «Les managers ont tendance à pointer ce qui ne va pas, dans l’espoir de le corriger. Mais, ce qui compte, c’est de déceler ce que le salarié aime et sait faire, pour lui confier autant que possible les tâches qu’il apprécie», insiste Delphine Douetteau. Pendant la crise, les dirigeants ont souvent pris le parti de communiquer directement avec leurs troupes. Certaines entreprises, comme Mazars ou Mirova, ont gardé cette habitude, jugée bénéfique à l’engagement des collaborateurs. Mirova, société de gestion d’actifs dédiée à la finance durable, continue ainsi à réunir ses 150 salariés toutes les quatre à six semaines.
Travail hybride
Comme d’autres, Mirova a aussi mis l’accent depuis la rentrée sur la convivialité et la qualité de vie au travail. Déjeuners, séminaires, soirée… les équipes ont ces dernières semaines pris de multiples occasions de resserrer les liens. Le nombre de jours de télétravail a été porté à trois. Des formations sont venues épauler les managers confrontés à ce travail hybride, moitié à distance, moitié au bureau. Pour mobiliser ses troupes, Mirova s’appuie aussi sur son récent statut d’entreprise à mission, «qui donne du sens au travail» relève la DRH, Aude Rouyer. «Des workshops permettent de décliner notre mission dans le travail quotidien, et nous venons de créer notre fonds de dotation», précise-t-elle.S’il s’épanouit dans son travail, le collaborateur sera sans doute plus impliqué. Pour cela, un nombre croissant d’entreprises, comme Mazars, accompagnent leurs managers vers le feed-back positif qui consiste à encourager en soulignant les bonnes actions. «L’entreprise doit gagner la confiance des salariés, ce qui n’est pas possible si elle les teste en permanence», souligne la DRH du groupe d’audit et de conseil, Mathilde Le Coz.
Et l’argent?
Pour renforcer l’engagement, Mazars associe aussi les salariés aux grandes décisions. Ils sont en ce moment invités à dresser le portrait du manager idéal ou à donner leur avis sur la meilleure organisation pour 2030. Mazars, enfin, fait un effort pour s’adapter aux attentes des générations Y et Z, soit 95 % des effectifs. Pour les «slasheurs» – ceux qui veulent exercer plusieurs métiers -, les clauses d’exclusivité ont disparu du contrat de travail. Et l’argent? «La rémunération est un des gros sujets qui nous attend, remarque Vincent Harel, président de Mercer France. Un marché de l’emploi plus compétitif et le retour de l’inflation vont faire revenir aux bases de l’engagement: le salaire, les avantages offerts par l’entreprise en matière de protection sociale et de services à valeur ajoutée…». Après avoir fait preuve de mesure en 2020, Mazars a accordé des augmentations généreuses cette année. Le groupe de recyclage Paprec a fait de même. «Nous avons rendu un hommage à nos salariés, en deuxième ligne pendant la pandémie, avec une cérémonie et une prime de 1 000 euros», explique Stéphane Gérard, son DRH. Paprec a en outre relevé les salaires de 2,2 %, pour continuer à offrir une rémunération bien supérieure au smic.
https://www.lefigaro.fr/decideurs/management/les-entreprises-a-la-recherche-de-la-motivation-perdue-20211017