Article rédigé par Sylvie Combe – Fondatrice d’Albacombee – RSE, Marketing et Communication d’impact, un de nos nombreux Talents Juste, qui partage avec nous ses idées et son expertise !


Bonne nouvelle ! La relocalisation industrielle est à l’ordre du jour et grâce au plan de relance, les usines vont revenir sur nos territoires et créer une partie des emplois de demain.

Mais est-ce si facile d’implanter un site industriel au sein de collectivités qui ne veulent plus voir d’industries dans leur paysage, ou qui veulent éviter l’artificialisation des sols, sans compter les camions sur la route ou les fumées qui sortent des cheminées ? Ignorer la gestion des parties prenantes, c’est prendre le risque de ne pas voir aboutir son projet de relocalisation.

En premier était l’usine au milieu d’un champ, puis la ville s’est agrandie, de nouveaux riverains sont arrivés, Facebook et France 3 s’en sont mêlés et l’usine a dû partir…

L’épopée industrielle du XXème siècle a façonné la France des territoires en construisant des usines et des zones commerciales créatrices de bassins d’emplois et participant à la dynamique des 30 glorieuses. Plusieurs générations ont vécu sereinement à côté de ces sites qui apportaient du travail et pour certains, finançaient les équipements collectifs et les projets culturels du territoire. 

Et puis le cycle s’est inversé. Les communes ont délivré des permis de construire qui ont fait pousser des maisons à côté des usines et des centres commerciaux. La loi a changé et les taxes payées par les entreprises à la commune se sont diluées dans les intercommunalités, les départements et les Régions. De nouveaux riverains se sont installés, des gens qui n’avaient jamais vu une usine avec ses poussières ou ses camions sur la route. La société aussi a évolué, tolérant de moins en moins les conséquences d’une activité industrielle ou commerciale à côté de chez soi, s’autosaisissant via la presse locale, la télévision ou les réseaux sociaux d’un combat pour défendre une vision différente du territoire avec le fameux phénomène du NIMBY (Not In My Back Yard).

De nouveaux styles de détracteurs ont émergé. Zadistes, altermondialistes, adeptes de la désobéissance civile, les nouvelles formes de contestation sont très organisées, épaulées par des structures qui apportent un soutien juridique et en communication pour faire le buzz. Si votre entreprise est une marque connue, c’est la double peine car vous incarnez le grand capitalisme et vous risquez la récupération de votre image dans un débat que vous ne maîtrisez plus.

Dialoguer avec les parties prenantes en temps de paix pour construire son réseau local

Les entreprises n’ont pas toujours anticipé ces changements et certaines ont dû gérer des crises médiatiques difficiles, au-delà des recours qui ralentissent les procédures administratives, quand ils ne les arrêtent pas. Sans compter les accidents industriels qui peuvent survenir et déclencher des crises majeures si la base d’alliés locaux n’est pas solide.

Mon expérience dans les secteurs de l’énergie, de la distribution et des matériaux de construction m’a exposée à des cas pratiques instructifs. La veille, l’analyse des risques et l’animation d’un plan d’actions de gestion des parties prenantes sont des préalables si on ne veut pas être pris de court quand les conflits surviennent ou quand de nouvelles autorisations ou dérogations doivent être données par l’administration.

En premier lieu, il s’agit de bien connaître son écosystème. Une cartographie des parties prenantes du site, la rencontre régulière des acteurs locaux, la veille de la presse locale, la participation aux manifestations régionales sont des prérequis pour capter les signaux faibles et comprendre qui va influencer la décision ou l’opinion publique. Il s’agit ensuite d’analyser les risques, d’être lucide sur les forces et faiblesses du site et de le considérer en se mettant dans la peau de chaque partie prenante : un exercice qui permettra de comprendre les inquiétudes et d’y apporter des réponses concrètes, voire de gagner des promoteurs qui y verront leur intérêt.

Enfin, un plan d’actions annuel est nécessaire pour écouter, dialoguer et animer le réseau des parties prenantes. Il se traduira par des rencontres, des contributions au débat local, des journées portes ouvertes, du mécénat, de la communication, … : toute action qui permettra de démontrer qu’on est un acteur engagé sur le territoire, un partenaire de dialogue et de concertation.

En conclusion, être un industriel sérieux qui maîtrise ses impacts et opère de manière vertueuse ne suffit plus. Il faut démontrer et convaincre. Accompagner les responsables de sites pour qu’ils deviennent des leaders d’opinion locaux, les outiller pour identifier, suivre et animer les parties prenantes n’est plus une option si l’on veut être un acteur du territoire s’inscrivant dans la durée.

Sylvie Combe